Comprendre les outils de travail du sol : démonstration à la CUMA de la Petite Seille
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C'est à Riche, sur la parcelle de Frédéric Poinsignon (Président des CUMA de la section Meurthe-et-Moselle/Moselle) que se sont retrouvés une centaine d'agricultrices et agriculteurs pour une démonstration de décompacteurs et fissurateurs, le 28 août 2025.
Malgré une météo pluvieuse toute la journée, et des sols compliqués à manipuler, les participants ont pu observer différents outils, anciens comme récents, afin d’évaluer leurs performances et leurs impacts sur la structure du sol.
Les conseillers de la Chambre d’Agriculture de la Moselle, mené par Benoit Brouant de la Chambre d’Agriculture du Grand Est ont réalisé des fosses après le passage de chaque outil afin d’en étudier le profil et de le présenter aux agricultrices et agriculteurs qui sont venus assister à l’évènement.
L’objectif : mieux comprendre les principes agronomiques et distinguer les tendances passagères des véritables progrès techniques.
Benoit Brouant a d’abord rappelé l’importance de l’observation du profil pour bien régler son matériel.
Après une présentation de la fosse témoin, l’enjeu est clair : trouver comment homogénéiser la zone des 25 cm de profondeur, essentielle à la croissance racinaire et à la performance des cultures.
Chaque outil a sa signature
Les démonstrations ont permis de visualiser les différences majeures entre les machines. Certaines dents, équipées d’ailettes, soulèvent le sol en créant un dôme marqué, d’autres travaillent par fissuration plus verticale, voire en palier. Le rôle des rouleaux est apparu essentiel : ils n’assurent pas seulement la stabilité de l’outil, mais prolongent le travail mécanique en émiettant, fragmentant et nivelant la surface.
La vitesse d’avancement, la profondeur des pointes, la forme des étançons (droits, galbés, inclinés) ainsi que le type de sécurité (hydraulique, boulon) déterminent directement la qualité de la restructuration.
Matériel ancien et matériel moderne ont été confrontés. Les décompacteurs basiques, parfois trop usés, montrent vite leurs limites : hétérogénéité du profil, remontées excessives de mottes, forte consommation de puissance. À l’inverse, les conceptions multipoints ou monopoutres revisitées, équipées de rouleaux innovants comme le double U autonettoyant, permettent un travail homogène sans bouleversement excessif des horizons. Ces choix techniques influencent fortement la préparation du sol pour le semis, qu’il s’agisse d’un blé exigeant une bonne homogénéité ou d’un colza dont les racines pivotantes réclament un ameublissement profond.




De la mécanique à l’agronomie
Derrière le matériel, la question agronomique domine. Les structures compactées se régénèrent rarement seules : sans intervention mécanique ou sans action du gel hivernal, les mottes de 15 cm persistent et empêchent les racines d’exploiter l’intégralité du volume. Or, une colonisation homogène conditionne la réserve en eau, la disponibilité en phosphore et en potasse, ainsi que la capacité du sol à minéraliser.
Sur un sol tassé, il reste possible de produire un blé à 80 quintaux, mais au prix d’une irrigation coûteuse et de fertilisations fractionnées. La perte d’autonomie et le surcoût économique deviennent alors évidents. Les estimations partagées lors de la journée parlent d’un manque à gagner de 100 à 300 €/ha dans les zones compactées. À l’inverse, l’ameublissement mécanique, facturé entre 50 et 70 €/ha, peut générer jusqu’à 150 €/ha de gain.



Préserver la fraîcheur et anticiper les chantiers
Le moment d’intervention reste déterminant. Travailler un sol humide risque de recréer des semelles défavorables, tandis qu’un labour grossier exposé à un hiver rigoureux peut tirer parti du gel, qui restructure naturellement la porosité. L’idée partagée au fil des échanges : éviter de remonter les horizons pauvres, limiter le lissage, préserver la fraîcheur pour le semis. Certains outils, comme l’Actisol ou les modèles à dents fissuratrices fines, se montrent particulièrement adaptés pour intervenir juste avant le semis afin de conserver l’humidité et préparer un lit de semences favorable. D’autres conviennent davantage aux passages d’automne, lorsque la terre doit être laissée ouverte pour l’hiver.
Au terme de cette journée, les agriculteurs sont repartis avec une conviction renforcée : la clé réside moins dans le choix d’une machine miracle que dans l’adaptation permanente au contexte pédologique et climatique. Fissurer, décompacter, ameublir… chaque outil apporte une réponse spécifique, à condition d’en maîtriser le réglage et de choisir le bon moment. Préserver le potentiel naturel du sol, tout en limitant les coûts et en sécurisant les rendements, reste l’horizon commun.
Une fin de journée conviviale
Cette démonstration, qui a débuté aux alentours de 16h, s’est soldée par une fin de journée conviviale autour d’un repas proposé par les Jeunes Agriculteurs de Château-Salins/Delme.
Alexia Frantz et Justine Joris (Le Paysan Lorrain)
